C’est souvent un peu la même histoire qu’on me raconte. Un homme ou une femme qui tombe en amour de quelqu’un alors qu’iels sont déjà en couple. Iels aiment leur conjoint.e, mais cette nouvelle personne les surprend.
Une rencontre au travail, un.e ami.e qui semble soudain se présenter sous un autre jour. Iels aiment leur compagne ou compagnon, iels se sentent heureux dans leur couple. Mais cet.te autre attire, passionne. Iels ne veulent pas risquer leur mariage ou leur concubinage. Mais cette nouvelle personne les bouscule, dans leur image qu’iels ont d’eux-mêmes, et c’est plaisant.
Si iels viennent me voir, pour m’en parler, c’est qu’ils savent que je suis polyamoureuse, je dis même anarchiste relationnelle. Iels savent que je ne vais pas les juger. Iels ont besoin de ça. De savoir que ça peut arriver, qu’iels ne sont pas des monstres immoraux. Qu’ils osent franchir le pas ou non. Quel pas? Celui d’oser la rencontre avec cette nouvelle personne. Si leur premier.e conjoint.e consent, c’est un pas en terre polyamoureuse, si iel l’ignore, c’est de la tromperie. Avec toutes les nuances possibles des antres deux.
Un pas en polyamour
Je ne juge pas. Je contemple ces exemples d’humanité. Il y a celle.eux qui trompent, sans pouvoir faire autrement. Parce que leur femme ou leur homme serait dévasté (selon elleux) mais aussi que cet autre est bouleversant. Je peux me passionner si facilement, alors je ne peux que compatir.
Il y a celle.eux qui se refusent tout, ne font rien, osent à peine imaginer (mais m’en parle quand même.). Et je suis admirative de leur tempérance, de leur sens moral. Il y a celui où celle qui va oser en parler à sa ou son conjoint.e et qui se torture entre son désir d’aller encore plus loin dans la rencontre et son besoin de prendre soin de leur partenaire principal.
Ces histoires me touchent toujours. Je suis honorée de la confiance de celle.eux qui me racontent. Je suis toujours émue d’entendre ces sentiments: d’être perdu.e.
L’utopie de l’Amour unique
Je me sens privilégiée. Mon mari à moi a toujours été si attentionné, a entendu et accueilli avec un amour si beau mon besoin de libertiner puis plus tard a accepté avec courage que mon cœur soit aussi libre que mon esprit et mon corps.
Toutefois, je n’oublie pas tout le travail, les efforts, les précautions, les tentatives, les doutes… Les fois où je dissimule encore par crainte de lui faire du chagrin. Les fois où je culpabilise de ne pas être plus simple, plus tranquille, moins dispersée.
Mais j’évolue. Je finis par m’accepter telle que je suis. Et j’ai conscience que si mon mari m’aime, c’est aussi pour ce que je suis. Et je crois que c’est cette inspiration que viennent chercher celleux qui viennent me confier leur histoire.
Oui, ça arrive de tomber amoureux de quelqu’un d’autre que son conjoint. Oui, ça arrive d’en être obsédé, terrifié.
Ça demande du courage d’essayer de le vivre.
Je suis parfois en colère. De temps en temps, je m’accuse de monophobie. Quand j’observe à quel point des gens souffrent juste parce qu’ils sont amoureux.ses. Je me dis: quelle mascarade que cette société qui érige l’exclusivité amoureuse comme modèle souhaitable quand on observe le taux de séparations… Que d’insécurités affectives validées par le système.
Il y a des hommes et des femmes qui sont persuadés qu’aimer c’est être “le seul”, c’est d’être “tout” pour l’autre. On a fait tant de chansons, tant de romans, tant de films pour ériger ce modèle. Mais quelle pression! Quelle utopie! Quelle promesse irréaliste!
Oui, peut-être que ça arrive, mais quelques mois, quelques années. Rarement plus d’une décennie. Alors quand notre aimé.e, notre “tout” aime quelqu’un d’autre, quel sentiment de trahison! Et là encore, trahison autrement romanesque, cinématographique, digne des plus belles chansons.
Alors qu’on a presque toustes été enfants amoureux.se de deux petits garçons ou de deux petites filles. Et c’était bon, joyeux, et si pur…
Le choix entre l’amour et la peur
Il y a peu, une femme est venue me dire combien elle aime son nouveau compagnon. Mais il est polyamoureux. Elle le sait. Elle est d’accord avec l’idée, avec le concept, sa philosophie. Mais son cœur a peur. Elle est terrorisée. Elle a peur qu’il en rencontre bientôt une autre et qu’elle soit plus jolie, plus drôle, plus intelligente. Qu’il la préfère.
Elle me demande comment faire avec cela. Je l’ai prise dans les bras. Je lui ai dit que je n’en savais rien. Mais que c’était beau qu’elle en ait conscience. Et qu’elle avait le droit d’avoir peur. Je lui ai dit aussi qu’en début de relation ce sentiment que l’autre est tout est fréquent, normal. Et que ce n’est souvent pas le moment de rencontrer quelqu’un d’autre.
La passion du début sert à nouer des liens que la sagesse de la relation ajuste ensuite. Je lui ai dit que je comprenais qu’elle veuille le garder pour elle, que ça ne faisait pas d’elle une égoïste, juste une amoureuse.
Elle a pleuré dans mes bras. Elle m’a remercié de ne pas la juger. Pendant que je lui caressais les cheveux, j’ai quand même ajouté que peut-être un jour, il tombera malgré tout amoureux de quelqu’un d’autre. Et alors là, ils devront se positionner. Qu’elle pourrait s’opposer à d’autres relations, mais que dans ce cas, elle les condamnerait à la souffrance (frustration, trahison, séparation …) Mais qui saurait dire à l’avance… Et que quoi qu’elle vive, qu’elle le vive pleinement, car c’est une belle expérience de vie humaine.
La question est toujours là.
Le choix entre l’amour et la peur.
Le cadeau de la sincérité
Un homme me dit qu’il est charmé par une nouvelle collègue. Il a mis longtemps à se l’avouer tellement, il aime par ailleurs sa femme. Et qu’il soit sous le charme d’une autre lui semblait surréaliste. Mais fait est de constater que les mails quasi quotidiens qu’elle lui envoyait suscitaient une émotion particulière, et que le jour où elle lui a avoué ses sentiments, il ne pouvait pas affirmer que pour lui, il n’en était rien.
Il a d’abord freiné. Il est marié, heureux en ménage. Mais il n’a pas pu s’en défaire. Et il m’en a parlé.
Je ne lui ai pas dit de fuir cette femme. D’ailleurs cet homme ne serait pas venu m’en parler à moi s’il attendait ce conseil. Je lui ai dit d’explorer le lien. Si vraiment, elle lui plaît. Il sentait bien que ce qui l’attendrissait surtout, c’était le miroir que lui offrait cette relation. (L’amour au début est rarement autre chose que cela).
Je lui ai dit que de plutôt que d’avoir peur que sa femme se sente trahie, autant lui dire à sa femme. Lui confier ses émois, son déchirement, son sens moral. Je lui ai dit que le cadeau de sincérité était sans doute la plus belle preuve d’amour qu’il pouvait donner à sa femme.
Et sa femme le surprend, elle accueille. Elle l’a vécu aussi d’ailleurs. Et leur amour est encore plus beau. Elle n’approuve pas la polyamorie (pour le moment) mais elle lui fait confiance.
Et lui tâtonne, entre ses sentiments naissants, son amour pour sa femme grandissant, la pagaille, la peur de faire souffrir, mais le désir de vivre. Je ne sais s’il en a conscience, mais cette expérience sera sans doute une des plus sensibles et romanesque de sa vie…
Pour moi, tout est là. L’amour est beau, toujours. Il s’honore.
(Ce sont nos actes et nos paroles qui sont plus critiquables !)
La liberté et les insécurités
Un jour, un homme que j’aime passionnément m’a dit qu’il aimerait rencontrer une femme pour se marier, lui faire des enfants. Et que s’il la trouve, il devra peut-être rompre avec moi, pour elle.
J’ai eu le cœur brisé. Quelques jours. Puis j’ai œuvré dans mon cœur pour la foi en l’amour. S’il trouve une femme qui le détourne de notre amour à nous et le rend heureux, qui serais-je pour l’en priver? Je ferai confiance en la vie, je le laisserai vivre son histoire.
Je l’aime libre, libre d’aimer, libre de ses choix. Et quelque part en moi, je sais que notre lien est si fort qu’il ne sera jamais vraiment rompu. Je lui ai dit. Que je lui faisais confiance. Que je respecterai ses choix du cœur. Que je ne cesserai jamais de l’aimer, je crois.
Il m’a dit, il y a peu, que lui aussi sentait qu’il m’aimerait toujours. Un jour notre relation pourrait évoluer, dans le rapprochement comme la distance. Et nous sommes prêts à le vivre. Car, il y a bien l’amour qui est une chose. Et l’engagement qui en est une autre. Et tout peut changer, évoluer. Nous faisons partie de l’univers et que le monde change chaque jour.
Si j’étais jalouse, si je faisais une scène pour l’empêcher de me dire de telles choses, qu’il pourrait me quitter un jour, je ferais exister ma possessivité, ma peur de le perdre.
Quand cet homme choisit de se priver de la relation avec cette collègue pour ne pas faire de peine à sa femme sans même la consulter, il fait exister ses insécurités.
Quand cette jeune femme pleure par peur de ne pas être préférée, elle fait exister son manque d’estime pour elle-même, son sentiment d’être mesurée.
Que choisissons-nous? De faire exister ces peurs? Ou de voir l’amour? De faire confiance en notre valeur, en l’autre, envers le lien. De faire confiance en l’avenir et de se dire qu’on saura rebondir.
Croire en l’amour
L’amour polyamoureux tout comme l’amour exclusif n’est jamais simple. L’exclusivité, pour moi, est un leurre. Si l’autre me promet de n’aimer que moi, c’est qu’il croit pouvoir maîtriser son cœur. Moi, je crois que c’est impossible.
Alors, je ne choisis plus l’exclusivité. Je m’expose à la jalousie. Je prends le risque de perdre l’autre. Je prends celui de faire vivre de l’inconfort, de la peur, du rejet, de la jalousie. Je le fais en conscience. Je le fais en confiance.
C’est ce qui me plaît en ce moment, là où je me sens en paix. C’est là où je suis aujourd’hui.
Et on verra demain!
Bonne chance à vous tous et toutes qui me lisez et vous interrogez. Je crois en l’amour. Donc, je crois en vous. Et vous ?
Crédit photos : Depositphotos
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Mille mercis à vous d’avoir lu ce paragraphe.
Merci pour cet article plein de douceur.
Il met des mots sur un ressenti que j’arrivais pas à définir.